mercredi 24 février 2010

L’identité québécoise du 21e siècle

Je désire vous partager, chers lecteurs, mes dernières réflexions concernant le fait d’être Québécois aujourd’hui. Qu’est-ce que l’archétype du citoyen du Québec qui sillonne nos rues? Je pense que finalement, la seule chose que je pourrai en conclure, c’est que ce portrait a changé depuis les deux dernières décennies.

Nous sommes partis, dans le contexte canadien, d’une perspective plutôt sociale-démocrate et nul ne peut contester que la société québécoise est aujourd’hui significativement plus néolibérale que par rapport à il y a 15 ans. Dans les valeurs qui priment (de par nos médias), on cherche aujourd’hui le confort individuel, la rationalisation des dépenses gouvernementales et on pourrait également sentir l’évasement de valeurs collectives (augmentation des droits de scolarité, morosité par rapport à la question de l’indépendance, diminution des services, privatisation, etc.)

Le Québec d’aujourd’hui est mou : en fait, il l’a toujours été. Connaissez-vous un seul pays qui a refusé son indépendance par deux fois? Avez-vous déjà senti le besoin, ailleurs dans le monde, de qualifier une révolution de « tranquille »? En fait, je suis à peu près certain que si j’organisais un coup d’État, la population n’opposerait qu’une résistance minime qui se résorberait dès que je lèverais le petit doigt.

Le Québec d’aujourd’hui est également pour le Statuquo : on ne parle pas de référendum, on ne retire pas les commissions scolaires, on ne nationalise pas l’hélioélectricité, on ne change pas le système de santé pour qu’il devienne fonctionnel, on n’axe pas dans les mesures préventives.

Par ailleurs, on laisse aujourd’hui plus de place aux entreprises privées, qui participent activement à l’acquisition d’un potentiel économique plus grand, on coupe dans les dépenses de services des fonctionnaires, on tente de mettre fin à la corruption grandissante de tout autre et on commence (enfin) à agir en environnement (dans une certaine mesure).

Je tends à croire qu’il s’agit d’une forme de régression de notre société : les jeunes sont cyniques et désabusés par rapport à la question identitaire, les nouveaux arrivants ne se sentent pas toujours accueillis chez nous, la qualité de nos services diminue, mais j’ose espérer qu’il ne s’agit que d’un processus d’équilibre duquel on pourra obtenir ce qui manque chez nous pour nous assurer un certain dynamisme social : un taux de natalité suffisant au maintien de la population.

samedi 20 février 2010

Festin de crêpes

Je me sens prolifique : j’ai si hâte de vous communiquer mon dernier festin que je prends même le risque de rester accroché à mon ordinateur pendant plus longtemps que je le souhaiterais.

J’ai été invité par le colocataire de mon amie Angélique à assister à une fête de la crêpe. Le concept n’est pas très complexe : on soupe ensemble en mangeant des crêpes de sarrasin avec du cidre. C’était d’ailleurs très amusant, parce que les seuls Québécois qui étaient présents à cette fête, c’était Angélique et moi! Nous avions donc un contingent de Français, majoritairement des étudiants de l’école Polytechnique, qui venaient retrouver les traditions de chez eux (et qui nous les partageaient).

Nous nous sommes retrouvés onze je crois, mais la mémoire est une faculté qui oublie. Il y avait un gars originaire de la Guyane française, Kendrick, Tristan, un étudiant quiet à la figure de gamin, Victor, un visage sympathique et coloré, Viet, un artiste déguisé en chimiste, Aurèle, qui n’en manquait pas une, Guylaine, qui aimait visiblement rire, Céline, avec son visage enfantin, Coline, qui semble d’une nature artistique et discrète, Thibaut, notre hôte flamboyant, Angélique, connue d’entre mille pour son rire tonitruant et moi, ben je n’ai pas besoin de me décrire, mais pour me faire plaisir : un rien provoquant, un tantinet baveux, mais néanmoins affable et surtout très peu véhément!

Bon, j’ai dû écrire ces noms de manière complètement abjecte, mais en prononçant, c’est un peu la même chose! Bref, tout ça pour dire qu’entre les débats perdurables entre le Québec et la France, les échanges de crêpe à la poêle (le concept est de lancer la crêpe dans la poêle de son partenaire et que lui fasse de même avec nous pour réussir le numéro… mémorable!), les blagues à la con, les « ça touche ou ça touche pas », il y avait beaucoup de plaisir dans l’air, de manière très simple d’ailleurs.

Et si nous avons englouti des tomates, des œufs, du jambon, des poivrons rouges, de la béchamel, du caramel salé (un coup de ce sacré Thibaut), une réduction de raisins, des bananes, du Nutella, nous avons surtout eu l’occasion de faire tout ça dans une ambiance sympatôche, comme dirait nos lointains cousins. Alors même si personne n’était « complètement grisé », qu’il n’y avait aucun fumeur, pas plus que d’hypernationalistes chantant la Marseillaise à tue-tête, il s’agissait tout de même des mêmes Français sympathiques dont on se fait généralement une idée! Merci pour cette belle soirée!

Le bonheur et le foie gras sont des synonymes

Les plus scientifiques d’entre vous savent peut-être que tout bonheur est en réalité une question de sécrétion d’hormones de plaisir (ocytocine, sérotonine, mélatonine, endorphine, etc.), mais qu’en est-il du foie gras? Produit-il l’hormone du plaisir louisvincentesque, ce plaisir extrême et difficile à définir qu’on obtient lorsqu’on mange de bonnes choses (ou lorsque l’on pense à manger de bonnes choses).

Pour le découvrir, j’ai décidé d’utiliser une partie d’un bien bon cadeau que j’ai reçu quelques êtres chers : un coupon-cadeau pour des cours de cuisine. Ayant tout de même une certaine expérience dans le domaine, je désirais tirer profit de l’enseignement qui me serait prodigué : aussi ais-je décidé de m’inscrire au cours de foie gras. Une partie de moi désirait ardemment apprendre à cuisiner avec ce noble morceau, une autre voulait venger l’affront que mon père (un des instigateurs de ce cadeau) m’avait fait en me parlant des cours de cuisine qu’il avait pris et dont il m’a si souvent fait l’éloge.

Je suis arrivé à l’atelier un peu comme on arrive à son lieu de travail la première fois : trop tôt, stressé et pas particulièrement zen. Le décor, bien qu’original (tout est en fait conçu avait des instruments de cuisines), me laissait présager une ambiance un peu plus hautaine que nécessaire. Un genre de chic postmoderne au look bien branché, mi-drôle, mi-hautain. Lorsque le décor est si important, il peut y avoir deux raisons : le décorateur a du goût et désire faire bénéficier le consommateur d’une ambiance particulière, mais néanmoins chaleureuse, ou encore, les cours sont de piètre qualité et l’on souhaite faire oublier cela en étant dans une ambiance tape-à-l’œil et clinquante.

Nous avons rencontré notre chef quelques minutes par après : un bonhomme costaud d’une trentaine d’années qui nous a parlé de ses multiples expériences de travail et qui a commencé son cours avec un accueil chaleureux. Le gaillard s’exprimait avec beaucoup d’éloquence et sa voix claironnante, entremêlée d’un franc-parler me permettait de croire que le cours serait des plus intéressant. Son sens de l’humour faisait également en sorte que nos « bévues » ne soient pas considérées comme des âneries sans nom. Seul le groupe me laissait présager le pire : 3 couples, une mère et sa fille ainsi qu’un autre jeune homme comme moi, le tout dans une ambiance très froide, chacun ne parlait qu’à celui qu’il connaissait et les autres nageaient dans le silence.

Nous avons commencé par faire un bonbon de foie gras : il s’agit morceau de foie gras enrobé d’une feuille de chou blanchie servie avec une vinaigrette balsamique tiède. Il faut comprendre que toutes les étapes de la confection des plats étaient dans un de ses fouillis étant donné le temps de préparation de certains éléments. Au bénéfice des lecteurs, je ne décrirai que brièvement les recettes et non leur préparation. C’était somme toute une entrée : l’intérêt de varier les types de cuisson, car les bonbons étaient cuits à la vapeur, enrobés de pellicule plastique. Ce plat était très bon et permettait entre autres de bien préserver le foie gras, étant donné qu’il était emballé.

Le plat de résistance était un raviole de foie gras (enrobé avec du prosciutto). Avec une farce constituée de raisins secs blonds, de canneberges, de lardons, d’oignon français, d’un peu d’ail, de thym et d’estragon, nous étions certains de la réussite de la chose. Ça sentait bon dans la cuisine, et nous mettions la farce, parcimonieusement, dans les ravioles en ayant l’eau à la bouche (ainsi que l’insatiable envie de manger tout le prosciutto).

Lorsque nous sommes passés à table, quel ne fut pas l’extase, la joie, le bonheur, l’euphorie, la félicité, la jouissance et l’orgasme de goûter la nourriture la plus exquise que je connaisse : j’aurais volontiers troqué cinq ans de ma vie pour pourvoir mon besoin d’en manger davantage. Simplement couvert d’une salade de roquette somme toute frugale, mais néanmoins aromatisée à l’huile de noisettes, au zeste de citron et au jus de ce dernier, avec des écorces de fromage parmesan généreusement râpées par mon auguste personne, on dirait que la perfection s’était métamorphosée en repas. J’ai poussé l’audace jusqu’à manger quatre petites ravioles et j’en avais déjà mangé trop : mon ventre ballonnant criait grâce et mes papilles, avides d’être stimulés pour obtenir un coït multiple qui n’en finirait plus, cherchaient vainement à convaincre mon lobe préfrontal d’amenuiser les réticences que j’avais à dévaliser mes collègues de table. Fort heureusement, j’avais eu l’idée géniale d’attendre en dernier pour me servir et d’ainsi « nettoyer » les denrées restantes. Je me suis calmé les nerfs grâce à un verre de vin de porto, qui était somme toute fort peu robuste en comparaison de ce plat, provoquant chez moi un tout petit regret : ne pas avoir choisi un vin de vendanges tardives. À ce moment, l’ambiance commence à changer et les gens se parlent. Je commence à déclamer des phrases en allemand à mon voisin de table, qui est d’origine germanique.

Par la suite, nous devions confectionner le désert : un beignet aux pommes et au foie gras poêlé. Il est inutile de le préciser, mais j’étais déjà rassasié. J’ai insisté pour faire la pâte tempura ainsi que pour poêler le foie gras (en utilisant la huitième merveille du monde : les ronds à induction). J’ai appris à mettre des croisillons dans les foies que nous avions : c’est simplement un élément de décoration, mais comme c’était beau! Par ailleurs, nous avions commencé la séance en réduisant une bouteille de vin de Sauternes à un seizième et en y ajoutant du miel. Nous avons eu le plaisir de napper le beignet de cette réduction, ce qui n’a pas été sans peine, étant donné l’état désinhibé du groupe qui commençait à devenir trop à l’aise, le vin aidant et les langues se dénouant. J’ai donc tenté de continuer à manger, ce qui dépassait la simple convenance. N’étant plus capable d’ingérer quoi que ce soit, j’ai tout de même poussé la note jusqu’à goûter à la demande spéciale d’une femme mariée à un homme d’origine française, dont toute la famille œuvre dans le domaine de la pâtisserie : elle désirait obtenir le secret du caramel salé. J’ai donc courageusement trempé un quignon de pain dans l’épaisse mixture pour goûter la finesse du sucre chauffée et mélangé à la crème 35 %. Je suis donc en ayant assimilé beaucoup (au propre comme au figuré) de l’expérience culinaire que je venais de vivre avec grand bonheur. Je ne pourrai probablement jamais assez remercier les personnes qui ont rendu cette chose possible, mais à Carl, Angélique et papa, je vous adore, il y a longtemps que je n’avais pas vécu une joie d’une telle ampleur!

mercredi 17 février 2010

Français aux JO: une ignominie

Je ne souhaite pas relancer le pérenne débat des deux solitudes, mais il semble à propos de parler du mépris le plus complet qu'affiche visiblement le Canada anglais à l'égard de la plus belle langue du monde : la nôtre! J'en veux pour preuve la fameuse histoire des jeux "bilingues"...

Les Jeux olympiques canadiens montrent à quel point l'utopie de Pierre-Elliot Trudeau est fausse et parle de la naïveté de l'homme, pour rester poli (or, puisque je me permets d'être vindicatif, je vous invite à utiliser le terme machiavélique). Voilà une autre preuve du bien-fondé de la souveraineté du Québec, car tant que nous serons au sein du giron canadien, nous ne saurons être respectés, encore moins être vus comme des égaux.

J’aimerais également attirer votre attention sur la manière dont on relate les Jeux olympiques : il y a au moins un blogueur qui n’ose même pas afficher sa fierté d’avoir vu le Canada écraser la Norvège 8-0 dans la langue de Molière, se reconnaissant probablement plus dans la francophobie que dans la francophonie du « plus meilleur pays du monde ».

Il est temps, plus que jamais, de renoncer à la facilité de l’assimilation et de se battre sans relâche pour assurer la survie de notre langue. Il est de notre devoir, en tant que citoyen, de s’assurer d’être respecté en tant que « nation » : si ce respect ne vient pas par les gestes de nos compatriotes anglophones, il devra émaner de par nos actions, pour nous assurer, au moins, de nous respecter (nous-mêmes).

Au risque de m’attirer les fougues de certains, j’aimerais ajouter que lorsque les Jeux olympiques ont eu lieu à Montréal, en 1976, ils étaient bilingues et même parfaitement bilingues. Que ceux qui pensent que le peuple Québécois est chialeur et pleurnichard se le tiennent pour dit : nous ne sommes que des pacifistes, car pour plusieurs autres peuples, cet odieux mépris serait vengé par des bombes, des meurtres et des guerres. Certains devraient songer à se souvenir de ce qu’est la vengeance et non pas simplement effacer leurs réflexions à ce sujet!