lundi 22 novembre 2010

Une pointe de pizza

Chers lecteurs,

Voilà bien longtemps que je me suis extasié bruyamment par rapport à un met culinaire de ma conception, mais ma dernière pizza mérite bien une petite parenthèse. Rien de bien compliqué d’ailleurs, une pâte maison, du thym frais, de la sauce tomate, des morceaux de Coppa bien relevés, un peu d’ail, des poivrons, des champignons, des courgettes ainsi que des oignons rouges, le tout recouvert d’une généreuse couche de gruyère et d’édam. D’une simplicité enfantine, le plus gros défi demeure de laver la vaisselle après avoir rangé les ingrédients. Cependant, cela n’enlève rien au palais, qui prend plaisir à s’extasier de cette saveur riche, des délicieux effluves qui s’échappent du four, des fromages qui s’harmonisent, des oignons légèrement caramélisés qui offrent un parfum subtilement sucré, des poivrons bien revenus qui adoucissent les élans plus corsés de la Coppa. Avec les champignons et les courgettes revenues au beurre, la quintessence culinaire s’offre au palais, dans une forme complexe, harmonieuse et d’un équilibre symbiotique parfait. De quoi faire baver le gastronome en vous!

mercredi 17 novembre 2010

Ma visite chez Aubut

Vous souvenez-vous, dans votre jeunesse, lorsque vos parents vous amenaient dans un grand magasin de jouets, dans une confiserie ou tout simplement dans prendre un cornet de crème laitier au bar laitier du coin? Il me vient à l’esprit des sourires sur la bouche des petites frimousses et des yeux gros comme des deux dollars! Aujourd’hui, dans le cadre des mes fonctions de professeur de cuisine, j’ai eu l’occasion d’aller visiter un entrepôt où s’approvisionne les restaurateurs et il me semblait retrouver, l’espace d’un instant, cette féerie de mon enfance.

Premièrement, tout est surdimensionné : on vend de la margarine à la chaudière, en format 5 kg, on peut acheter une conserve de 9,7 kg de choucroute et le tout à des prix franchement en deçà de ce qu’on paye dans un supermarché. D’ailleurs, on y trouve de tout : des batteries de cuisine aux couteaux de spécialité, en passant par les planches à découper jusqu’à l’ensemble des produits de nettoyage. Vous y aviez pensé, vous, à acheter du vin de cuisson? Vous savez, on paye une fortune à la SAQ pour acheter un vin qui finira dans la votre assiette, alors que là-bas, vous pouvez en acheter 20 litres pour 22 dollars! Vous êtes tannés de vous fatiguer à couper de l’ail… et bien pourquoi ne pas l’acheter en morceaux… au kilo? Vous aimez les frites, la boite de six paquets de 2,27 kg se détaille à 18 dollars.

J’ai été fasciné parce que je réalise que le prix des denrées alimentaires semble varier beaucoup plus en fonction du volume écoulé que simplement en fonction de l’offre et de la demande. Tous ces contenants gigantesques, que je m’imaginais placer dans une cuisine imaginaire, semblaient me promettre d’agréables mélanges et de nouvelles possibilités culinaires. Il y a tous ces produits que je n’ai pas eu le temps de voir et que j’aurais aimé déguster. Bref, j’y retournerai, c’est certain!

Je pense que la démesure et la variété (il y a un inventaire de 240 pages de produits sur leur site Web) m’attire comme un aimant électronique. Je vous invite à vous faire une tête en consultant leur site Web.

dimanche 7 novembre 2010

Incendies

Pour une deuxième chronique de suite, je vais vous reparler de cinéma, cette fois à propos d’un autre film québécois : Incendies. Avertissement : cœurs sensibles s’abstenir. Ce film est d’une dureté et d’une violence qui est à la limite de l’insoutenable. Sans tomber dans la caricature, Denis Villeneuve a su rendre, dans une atmosphère sombre et lugubre, la rage de vivre, envers et malgré tout.

L’intrigue est centrée sur l’histoire de Nawal Marwan, qui est morte lorsque le film commence. Ses deux enfants, Simon et Jeanne, rencontrent l’employeur de leur mère, le notaire Lebel (excellent Rémy Girard), qui est également l’exécuteur testamentaire. Leur mère leur demande de trouver leur frère et leur père, sans autres indices que son vieux passeport. D’ailleurs, le pays d’origine des Marwan est fictif, c’est un mixte entre le Liban, la Syrie et la Jordanie.

Le film se divise en deux fenêtres : d’une part, on voit la vie de Nawal (Lubna Azabal) avant qu’elle arrive au Québec. De l’autre, on voit Jeanne (Mélissa Desormeaux-Poulin), puis Simon (Maxim Gaudette), qui sont sur les traces de leur mère, dans son pays d’origine. Les transitions sont superbes, les prises de vue spectaculaires, la symbolique omniprésente et présentée avec images saisissantes. On nous ramène constamment à quatre dimensions : le feu (le titre est bien choisi), l’eau (piscine), la terre et l’air (présentés conjointement par les paysages dévastés, les villes et villages ainsi que le coin lugubre du quartier St-Laurent, à côté de la 15, où il semble toujours régner une atmosphère moribonde.

Le jeu de Lubna Azabal avoisine la perfection. Même si le scénario lui donne probablement le rôle le plus difficile à interpréter, elle demeure crédible d’un bout à l’autre de l’histoire. Avec émotion, elle nous transporte dans les multiples facettes de son existence, une réalité sans pitié, dépeinte grâce à l’exceptionnelle résilience de son personnage. On peut reprocher à Mélissa Desormeaux-Poulin plusieurs dialogues rarement convaincants et à Maxim Gaudette son insipidité ainsi qu’un jeu manquant de réalisme. Les deux jeunes acteurs brillent peu, même si Jeanne est mieux incarnée que son frère. Rémy Girard s’en tire pour une fois avec un rôle intelligent, qui illustre bien la polyvalence de l’acteur. Sa performance est de la trempe de celle du Déclin de l’empire américain. Les rôles de soutien sont également solides et le jeu est très concluant. Du côté de l’image, il y a une inconstance par rapport au teint de la peau de Jeanne : au Québec, sa peau basanée lui donne un air arabe, alors qu’une fois rendue de l’autre côté de l’Océan, elle semble plus québécoise que nature (teint blanc laiteux).

La conclusion du film, percutante à souhait, nous fait ressentir un malaise sans nom. Le film a vraiment atteint la limite de l’insoutenable. Dans le cinéma, l’air me semblait froid, mais j’ignorais si c’était la température extérieure ou celle de mon âme qui me saisissait autant. Frappé de stupeur après la conclusion, j’ai été incapable de discuter du film sur-le-champ. Denis Villeneuve a réussi un coup de maître et signe un chef-d'œuvre inspiré, tragique, mais d’une grande beauté. Quant à moi, j’en ai été tétanisé!